Dans le froid de la nuit, alors que je remonte le col de la veste d’Hélène et tente de cacher ma nudité en me contorsionnant devant les phares de la voiture, des talons descendent de la portière ouverte puis s’avancent dans la lumière. Je distingue à présent dans le contre-jour une paire de bottines bien Féminines à talons effilés. Des jambes interminables les prolongent alors que se découpe en ombres chinoises les courbes d’une silhouette élancée.
Elle claque la portière. Les
cheveux flottant aux vents comme les flammèches ardentes, l’apparition s’avance
dans la lumière et se penche en avant alors que je m’affaisse.
« Marc ? C’est toi ? » Surpris, je lève le visage entre
ombres, flammes et lumière. L’autre portière s’ouvre alors et une seconde
silhouette s’avance, avec des accents tout aussi incrédules : « mais
ne restez pas là, vous allez attraper la mort. » Se tournant vers la
banquette arrière, la première apparition lance alors un ordre plus sec :
« Leenhardt va donc l’aider au lieu de rester planté là. »
C’est ainsi que par cette nuit de
Lune descendante, sur une route de campagne quelque part je me retrouve nu, sur
la banquette à côté de son mari avec mon ancienne Maîtresse au volant et sa
mère au côté, je ferme les yeux alors que sens que l’on étend sur moi une
couverture. Je voyage vers le septentrion, sous les cieux de Middgard et sous
le regard des Ases. Au moins je ne suis plus prisonnier, tout du moins pas sur
le moment.
Mes inquiétudes se dissolvent
alors que je sombre dans un sommeil sans rêves, épuisé, recroquevillé sur la
banquette en cuir, bercé par des mains secourables. La nuit m’est clémente et
douce, enfin. Dans mes rêves, je la vois et l’appelle, « Maîtresse » sa
chevelure brune flottant au vent, à la proue de ce navire qui s’enfonce dans la
brume.
Au petit matin je m’éveille, seul
dans ce lit d’une chambre d’hôtel, travers, sur le ventre, les draps défaits et
roulés en boule, serrant un oreiller. La lumière entre les persiennes frappe
mon visage et m’ébloui. « Ais-je crié vraiment ? » Je tente de
me remémorer les évènements de la veille, alors que mes tempes résonnent.
« Comment suis-je arrivé là ? »
Je m’étire alors que la porte de
la chambre s’ouvre, laissant apparaître dans l’encadrement mon apparition
d’hier soir. « Ce n’était dont pas une apparition. » Stupéfait, je
constate que les mots sont sortis de ma bouche, à peine articulés et pourtant
audibles, alors qu’elle me contemple, immobile comme une statue païenne.
Lentement et avec grâce elle s’avance
dans le bruissement des étoffes et la pénombre. Elle se dirige vers ma fenêtre
et saisissant la poulie, relève le volet. L’astre du jour reprend possession du
lieu et inonde cette scène de ses rayons bienfaisants. Me voilà aveuglé et je
lève la main pour me protéger les yeux, alors que mon apparition vient s’assoir
près de moi, sur le rebord du lit.
Reprenant mes esprits et
recouvrant la vue, je reconnais enfin cette main secourable et ce visage d’ange
qui se penche sur moi. Elle passe sa main sur ma joue et me regarde sans
parler. Je dépose un baiser au creux de la paume et la prend entre les mains
avant de poser enfin le regard sur elle, mon ancienne Maîtresse. Elle attire
contre son cœur mon visage avec un sourire entendu sur les lèvres. L’envie est
forte de les embrasser, mais la présence de cette cage étroite et la réaction
de ma virilité me retiennent. J’étouffe un grognement dans son décolleté, en me
mordant les lèvres.
Après ces effusions, nous parlons
longuement et je lui raconte mes aventures. Elle m’écoute, captivée, ne
m’interrompant que pour ralentir mon débit, ou me faire répéter de temps à
autres. Elle rit doucement à l’évocation de « toutou » en tenant
entre ses doigts le médaillon de mon collier. Le récit en est à notre départ
agité de chez Florence. On frappe à la porte alors que sur ses lèvres s’efface
une nouvelle question. « Qui est là ? » La porte s’ouvre,
laissant le passage à la mère et au mari-soumis.
« Maaaarc, petit voyou, vous
nous avez fait une de ces frayeurs ! » dit-elle de sa voix haut-perchée,
en portant une main sur son opulente poitrine et l’autre contre sa joue en un
geste théâtral. Alors que le mari s’approche et pénètre à son tour sur le lieu
des retrouvailles, témoin presque muet que sa Maîtresse fait taire d’un geste
avant de l’envoyer s’agenouiller près du lit.
De la porte ouverte, le couloir
désert est plongé à nouveau dans la pénombre alors que du regard j’embrase la
scène. Tout ceci devrait me paraitre incongru si je ne le connaissais que trop
bien. Levant la main, Julie regarde la montre au fin bracelet argenté qui
scintille au soleil. « Oh mon dieu » s’écrit-elle montrant le cadran
à sa mère, puis avisant vers son mari à ses pieds. « Et toi va faire
couler un bain. »
Se tournant vers sa mère et
moi : « nous allons rentrer à Göteborg. Tu n’as pas tes papiers n
vêtements, mais Leenhardt va-t’en prêter. » Et
Sylvie d’ajouter avant de se lever d’un bond : « oh oui on va se
débrouiller et on avisera ensuite sur ce qu’il convient de faire. Allez ! »
Après un plantureux petit
déjeuner et une aspirine, lavé, rasé de près et habillé de pied en cap, nous
retournons vers la voiture, pour aller toujours plus au Nord. Au moment de
quitter le parking, la tête pleine d’images et de pensées contradictoires, j’aperçois
comme un signe, cette Porsche cabriolet qui vient prendre la place que nous
venons de quitter.
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