Notre capitaine m’apparait
triomphante, souriant de toutes ses dents. « On peut dire que tu m’auras
fait courir pataud, ja ? » Devant ma mine déconfite, les filles
laissent éclater un fou-rire. « Dire qu’il a cru être tiré d’affaire,
alors que nous ne l’avons jamais lâché d’une semelle » déclare Yoo-Me.
« Quel naïf » ajoute Pauline.
Mortifié, je vois les trois
femmes s’étreindre et s’embrasser. Ma nouvelles Maîtresse entraîne alors tout
le monde vers la table où nous attend une bouteille de champagne et des flutes.
Elle m’ordonne de les servir et tandis que ne fait sauter le bouchon, devise
gaiement avec ses amies. « A la nôtre les filles » déclare telle en
levant sa coupe « et à notre association » ajoutent Pauline et Yoo-Me
en trinquant.
Pauline, Meisterin Hexe, se fait
d’ailleurs fort de leur raconter comment elle m’a capturé la première fois, au
nez et à la barbe de ma Maîtresse et comment il fût facile de me convertir et
de me dresser, moi le chienchien docile, qui ne peut même pas me défendre
contre une « faible femme ». Perverse, elle ajouta même combien ma
langue pouvait-être agile, ce que les autres voulurent aussitôt vérifier.
C’est ainsi que, parti pour des
aventures idylliques dans les jardins fleuris d’Eden, me voici à présent, au
fil de mes aventures, à la merci de ces créatures inconnues, célébrant mon
infortune et planifiant je ne sais quels projets me concernant. Je ne suis pour
l’heure qu’une prise de guerre, le butin de rapines, enchaîné et captif aux
mains de pirates, véritables démons femelles.
Tantôt minaudantes, tantôt
menaçantes, je suis amené à les servir, courant de l’une à l'une à l’autre sous
les quolibets, tirant sur ma laisse, me faisant subir l’assaut de leurs mains
baladeuses, nu et enchaîné que je suis, me promettant la chaleur de leurs
couches si je le sers bien ou la fraîcheur de la nuit dans le cas contraire.
Je tentais pourtant bien une fois
de me révolter, pour me retrouver au dehors dans la nuit, sous la bise et l’air
marin. Je tentais de trouver refuge dans l’une ou l’autre des pauvres maisons
de pêcheurs, à l’écart du hameau misérable, où je passais la nuit, enveloppé
d’une maigre couverture et de quelques frusques de marin abandonnées dans un
coffre malodorant.
Au petit matin, elles mes
donnèrent la chasse, m’obligeant à courir dans mon accoutrement sur cette île désolée. Je dû m’enfuir à leur
approche et quitter le confort relatif de la masure misérable qui me servait de
refuge. Mais entravé comme je l’étais, je ne puis aller bien loin et fut bien
vite repris et vivement puni de la main même de ces trois furies.
Me faisant lécher leurs bottes en
signe de reddition, elles m’emmenèrent et attachèrent désormais ma chaîne aux
anneaux fixés aux murs. En rentrant, je remarquais que les deux autres filles
étaient elles aussi attachées et demandais dès lors de quel style captives il
pouvait bien s’agir ? Je n’avais en effet jusqu’à présent jamais croisé le
chemin de captives, croyant dès lors que seuls les mâles étaient promis à cet
avenir. L’univers dans lequel je suis à présent plongé ne cesse de me
stupéfaire.
Pourtant au fil des jours dont je
perdis le compte, tant je fus sans cesse sollicité, une idée germa dans
l’esprit de mes geôlières, consistant à organiser une chasse à l’homme sur le
caillou, ce bout de rocher perdu, isolé au beau milieu de l’Atlantique.
Qu’Océanos ou Aergir m’entraînent à leur suite, tant cette idée me fit
frissonner.
Sarah, Fadila et moi, enchaînés,
fumes conduits en trois points différents de l’île attachés par une corde aux
rochers, avec une heure devant nous pour nous échapper. Celui ou celle qui
parviendrait au refuge, pourrait disposer des deux autres. Telles étaient les
clauses du marché. Je tentais de demander à être remis à mes Maîtresses
légitimes en cas de réussite, mais en vain et en fût quitte pour une nouvelle
fessée de la part de Maîtresse Stéphanie, qui en plus m’admonesta un
« c’est moi ta Maîtresse légitime à présent, ne l’oublie pas ».
Au petit matin, nous fûmes donc
conduits tous les trois par nos ravisseuses en trois points opposés de l’île et
attachés à des rochers battus par les éléments près des falaises qui bordent cet
enfer dépourvu de végétation. Que je sois en Hadès ou au Nilflheim, ma
situation ne pourrait être bien pire.
Mû par l’énergie du désespoir, je
tâchais tout d’abord de défaire mes liens, puis, essayant les bords tranchants
de plusieurs pierres aux bords aiguisés, je parvins au prix de nombreux
efforts, à me libérer. Puis entendant leurs voix, je me mis à courir le plus
vite que je pus vers l’intérieur de ce rocher battu par les flots, tentant de
mettre de la distance avec mes poursuivante. Je dois dire que leur mansuétude,
les pauvres tongs en semelle glissante ne me furent d’aucun secours.
Plus d’une fois je glissais sur
la pierre noire et lisse, évitant de laisser des trace dans la neige que je
découvrais çà et là et m’enfonçait toujours plus haut dans ce lieu sordide,
escaladant le rocher. Je me blessais et ne gagnais qu’engelures et écorchures
légères. Malgré la fraîcheur, de la sueur perle sur ma peau, dans un effort
ultime d’échapper à mes tourmenteuses.
Aussi, c’est avec bonheur que je
vis apparaître une main secourable. Tout d’abord hésitant, je fini par la
saisir et c’est dans l’abri d’une grotte que nous nous blottîmes l’un contre
l’autre, pour la nuit. Haletants et frissonnant, nos cœurs battant la chamade,
bien vite, la proximité de nos corps et la chaleur animale eurent le dessus de
nos réticences, oserais-je dire pudeur ? J’avoue que depuis quelques
temps, je ne sais plus bien ce que ce mot signifie.
Nos lèvres et nos corps se
mêlèrent, dans cette grotte sur du sable noir, alors qu’à l’extérieur, le vent
du large amenant de gros nuages noirs d’orage soulève la poussière et qu’au
loin Aergir puis Thor lassent éclater leur colère. Là sur le sable noir de la
grotte, nous discutons entre deux étreintes, faisant enfin la connaissance
charnelle l’un de l’autre dans l’obscurité déclinante du jour.
Plus bas, des bruits de bottes,
des cris, des lumières rasantes de lampes-torches et des éboulis, nous font
savoir que nos poursuivantes sont toujours là, tout près et que nous ne sommes
pas du tout tirés d’affaires. « Il faut que je retrouve Fadi, ma servante.
Il n’est pas question que je la laisse entre leurs mains ».
Mais au moment où elle lève la
tête, deux ombres passent à notre portée : la première, une grande blonde,
vêtue de cuir, avec une casquette vissée sur la tête et un foulard sur le nez
tire derrière, en laisse elle la brune à demi nue, avec une boule dans la
bouche, jetant aux alentours, des regards de gazelle apeurée.
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