Au matin, le clapotis et le
balancement langoureux du roulis, me tirent de tirent lentement de ma torpeur.
Je me retrouve allongé sur une couche étroite, un matelas épousant parfaitement
mon corps qui tranche avec la rudesse du sac dans lequel je suis enveloppé, nu jusqu’au cou, les mains attachées sur le devant par des menottes.
Je sens également des bracelets
larges sur mes chevilles. Bras et jambes reliés par des chaînettes tendues
entre elles qui limitent mes mouvements. Sur mes yeux, une cécité provoquée par
une étoffe de soie. Dans ma bouche, une boule tend mes mâchoires et me
contraint au silence. Je bave dans un gargouillis de sons inintelligibles.
Un frôlement à mon côté et le
craquement du plancher, des pas légers, puis une main effleure ma tempe alors
que balance ma couche sous le poids d’une personne qui s’y assoit. Je sens
cette présence très légère pourtant qui m’enveloppe dans ses bras. Un instant,
je panique alors que soudain je trouve autour de mon visage les masses très
douces que j’identifie entre toutes : les monts jumeaux d’une poitrine
généreuse. « Twa être à moi petit chien ».
Puis ôtant mon bâillon, elle
glisse entre mes lèvres entrouvertes, alors que j’aspire une goulée d’air, le
sommet rose d’un téton. Instinctivement, je referme mes lèvres et tète, ce qui me vaut un « bon
chienchien » et une caresse sur le visage. A peine ais-je la sensation
d’un tuyau qui glisse à la commissure de mes lèvres, sous ma langue, par lequel
s’écoule un liquide sucré, chaud et doucereux. Par réflexe, la bouche pleine, je
déglutis.
Une caresse sur la joue, un petit
rire moqueur et un « allez fais dodo chienchien, twa facile à tromper
comme tous les mâles ». Une porte qui claque, me rappelle des souvenirs
désagréables, pas si anciens et à une autre séparation. Je sombre à nouveau malgré
moi dans un sommeil peuplé d’un tourbillon de robes jaunes et de rubans de
soie, où je me retrouve, courant de salles en salles, dans un décor baroque,
vêtu d’une seule robe de bure, rugueuse, en appelant éperdu, Maîtresse, Julie,
Hélène…
Dans mon sommeil agité, je tente
de me tourner en tous sens, mais ne réussit qu’à me cogner les genoux et les
coudes. « Outch ». J’entends dans une semi-conscience des pas, des
voix graves et rauques et d’autres Féminines, des mots dont je ne perçois pas le
sens. « Quelqu’un, de l’aide… » Mais le balancement régulier des
vagues qui me bercent, ainsi qu’une douce musique à peine perceptibles me
ramènent au monde des songes. Je capitule à nouveau, les yeux lourds, la bouche
sèche et toute perspective de sauvetage s’éloigne pour de bon.
Émergeant de temps à autre, je
reçois une autre dose de ce produit qui me renvoi au pays des rêves. Perdu dans
des limbes à la saveur cotonneuse, je perds la notion du temps, replongeant
aussitôt, caressé par des doigts de fées, les oreilles remplies par la musique
apaisante des haut-parleurs.
Bien plus tard, ouvrant un œil,
la bouche sèche au son régulier du martèlement d’un moteur, je comprends que le
bateau a quitté le port sur une destination mystérieuse. Capturé par ces filles
pour je ne sais quel desseins, je me sens tel un animal volé une fois de plus,
arraché à ses Maîtresses par un cruel destin. Puis, le bruit mécanique s’arrête
et je perçois des voix et les pas sur le pont au-dessus de moi et le clapotis
des vagues tout autour. Le bourdonnement de la musique s’est tût.
Je me passe la langue sur les
lèvres sèches. La main sur mon intimité confirme qu’elle est toujours enfermée
dans sa prison de soie. Je suis comme un papillon pris dans une toile
d’araignée, fragile et vulnérable, à la merci de ma mystérieuse ravisseuse et,
dans la moiteur du réduit où je suis confiné. Ces sensations me font frissonner
et accentuent ma honte.
Un instant, je songe à me
révolter, à m’enfuir pour échapper à cette machination, lorsque la trappe
s’ouvre et que l’on m’ôte le bandeau qui me masque la vue. Je cligne des yeux
pour m’habituer à la lumière et découvre une cabine étroite et spartiate. Le
soleil pénètre par plusieurs ouvertures dans cet habitacle et face à moi, une
paire de jambes au galbe prononcé, musclées et bronzées.
Ma geôlière, se penche au-dessus
de moi, exposant ses formes généreuses à ma vue et dégrafe le col du sac dans
lequel je suis enfermé depuis ma capture. Je voudrais m’en défendre, tant le
fait de sortir de la sécurité relative m’effraye. Je me recule pour essayer
d’échapper à cette poigne et reçoit en retour une gifle. « Toi tenir
tranquille chienchien ». Puis devant ma mine déconfite, cruelle, elle
éclate de rire.
D’une main sûre, elle détache les
liens qui retiennent mon sac à la paroi et je roule à terre, hors du waterbed,
nu, à ses pieds. Elle me les présente sous les yeux sans mot dire, faisant
gigoter ses ongles vernis de carmin très sombre. « Embrasse
chienchien » ordonne-t-elle d’un ton sec en claquant des doigts. Alors que
je tente de me reculer, elle s’appuie en arrière et pose son autre pied contre
mon visage pour m’y contraindre. « Mwa mater fortes têtes pires que
twa ».
Comprenant que je suis à sa
merci, je m’y résigne. Acceptant ma défaite, je darde ma langue entre ses
petits pieds et les lèche, passant entre ses orteils et les embrassant
lentement. A nouveau elle se met à rire alors que coulisse la porte qui donne
sur le pont. La lumière inonde le lieu alors que j’aperçois pour la première
fois une blonde incendiaire qui ne m’est pas inconnue. « Mais où ais-je
bien pu la rencontrer ? »
Elle entre et pose un genou à
terre « nous approchons de l’île Maîtresse ». Cette dernière la
chasse d’un geste de la main « C’est bien, fais le nécessaire,
j’arrive ». D’un mouvement souple, la blonde se relève et tandis que
j’admire son balancement de hanches, comme dans un rêve, se retourne et me
décroche un clin d’œil avant de refermer la porte derrière elle.
« Esclave,
homme-jouet », lance-elle en avançant son visage près du mien « tu es
à la merci de Maîtresse Yoo-Me, Rara pour les intimes, mais pour toi ce sera
juste Maîtresse. Compris ? » Prononçant ce dernier mot, elle hausse
le ton tout en agitant un index impérieux sous mon nez et exigeant une réponse
Je ne peux qu’accepter encore une fois. Tant la soumission semble m’être
devenue naturelle.
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