La brune marche à quatre pattes,
tentant de s’éloigner en toute discrétion, hors de ce tumulte. Mais au moment
où elle pose la main sur la poignée de la porte et qu’elle s’apprête à
s’élancer au dehors, une botte se pose sur sa laisse traînant à terre, la
clouant au sol. ? »
« Où croyais-tu aller ?
Twa petite écervelée, pas réfléchir beaucoup. » Les autres filles se
retournent et la regardent interloquées, alors que nous tournons la tête dans
leur direction. Nos tourmenteuses se sourient, tandis que s’évanoui dans nos
yeux tout espoir d’évasion. Sans un mot, nous nous adressons un regard
interrogateur, tout en priant silencieusement toutes les déesses et les dieux
de l’Olympe et d’Asgard réunis.
Les trois pirates se tournent
vers la servante de Sarah. La botte qui me cloue au sol m’abandonne
suffisamment longtemps pour que je puisse me redresser et voir sur la table un
livre couvert de cuir tanné par les ans et sa couverture écornée portant des
feuillets parcheminés élimées et cornées.
La main de Stéphanie, posée
dessus m’empêchent de lire, mais je peux y remarquer des glyphes, dont un
triangle inversé portant un trait partant de son sommet le plus bas jusqu’à son
centre, ainsi qu’un plan de l’île entourée de flots où nagent des animaux
fabuleux. Je surprends les mots « d’île noire » et de « rocher
des tempêtes », sans trop rien y comprendre.
Soudain, un coup de poing rageur
sur la table me tire de ma contemplation dans un sursaut et je me retrouve à
terre. Puis d’un index impérieux, de la colère dans la voix, la blonde
Stéphanie ordonne les dents serrées « embrasse mes bottes, et restes à ta
place petit mâle. »
Aussitôt, Pauline se tourne et la
regarde tout sourire « Lèches bottes c’est un nom qui te va comme un
gant. » Les autres approuvent, tandis que Yoo-Me ramène Fadi vers le mur
opposé et l’y enchaîne sous le regard courroucé de Sarah, qui pourtant ne pipe
mot.
C’est à mon tour de faire l’objet
des rires, et alors que paralysé, je ne m’exécute pas, la morsure d’une lanière
sur les fesses me décide à obéir. Tirant la langue, désormais maté, je lèche ses
cuissardes noires, à quatre pattes, les fesses en l’air. Je tremble à l’idée de
recevoir une nouvelle correction.
Sous le regard méprisant de mes
trois ravisseuses, Sarah est assignée au service. Les dents serrées, le regard
baissé, elle s’exécute, entravée par des chaînes courtes aux poignets et aux
chevilles, toujours vêtue de ses nippes. Allant et venant entre le foyer où
chauffe un ragout dégageant une odeur épicée dans la pièce.
Du dehors, nous parviennent les
secousses lointaines, le bruit des vagues et le vent qui forcit. Les trois
amies nous déposent à Sarah et à moi les assiettes aux pieds avec les reliefs
de leurs repas. Épuisés, le ventre vide nous ne nous faisons pas prier. Sarah
interroge du regard Yoo-Me qui d’un geste méprisant l’autorise à porter sa
pitance à sa compagne.
Plus tard, après nous avoir fait
prodiguer des soins labiaux, les trois dresseuses après avoir longuement
disserté à mi-voix, avec des airs de comploteuses, nous enchaînent pour la nuit
aux anneaux, fixés sur les murs, tout en prenant soin de nous séparer. Pauline nous
distribue alors des couvertures tout en nous commandant de dormir.
Enfin elle retourne auprès de ses
amies et se glisse à leurs côtés sous une couette épaisse et duveteuse. Il ne
reste que le bruit des cendres dans l’âtre et la danse des ombres s’allonge sur
les murs, puis les minutes passent et les heures.
Plus loin, mes deux codétenues
tentent bien de communiquer en murmurant et en grattant la pierre sur le sol. Cette
tentative ne leur occasionne que des réprimandes du trio infernal qui se
redresse, poitrines nues et chevelures défaites et la promesse d’un « bain
de minuit » si elles ne cessent pas immédiatement, appuyant ses mots d’un
claquement de fouet.
La menace fait son effet et dans
un concert de grognements et de rires de parts et d’autres de la pièce, le
calme revient et je glisse lentement au pays de Morphée en me pelotonnant à
demi et en rêvant de formes généreuses et des courbes appétissantes de furies
déchaînées.
Malgré moi, je me sens durcir et
passe la langue sur les lèvres en me caressant doucement, de peur de faire du
bruit, calmant mon angoisse comme un grand singe. Étouffant un râle, j’essuie
tant bien que mal les reliefs de mon plaisir solitaire, tandis que Sarah pouffe
de rire dans son coin sans encourir cette fois les foudres des trois amantes.
Bientôt, il ne reste que des
cendres et le sifflement du vent au dehors, des reniflements et éternuements.
Un dernier sifflement dans l’âtre, puis le feu rend l’âme. Des gloussements et
des soupirs remplissent à nouveau l’espace, puis le silence et des respirations
régulières quand enfin le sommeil me prend.
Hou hou-hou! Hou hou-hou!
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