mercredi 7 septembre 2016

L’Odyssée des sorcières 8 : Tel un château en Espagne


Entouré de paires de jambes et le frôlement des étoffes légères et chamarrées autour de moi, je note le mouvement circulaire dans lequel nous progressons. La chaleur et les senteurs entêtantes mêlées de tant de Féminités me font tourner la tête.

Leyla s’arrête soudain et je manque percuter l’arrière train du taureau qui me précède. Le singe qui me suit n’a pas cette chance et je me dandine sentant bouger en moi l’objet incongru qui y est fiché.

En dresseuse avisée tire sur ma laisse et me tance alors qu’autour de nous d’autres font de même. Je lèche ses doigts peints pour me faire pardonner. Elle me gratte la tête alors que la file reprend sa progression autour de la salle. Je remarque les murs richement décorés de tapisseries rouges tendues sur les murs et les tapis sous mes pattes.

Notre progression reprend. Je constate que les filles à l’étage supérieur papotent doucement. Aussi, profitant d’un instant d’inattention, je tente de communiquer avec d’autres mâles, sans grand succès. Un coup sur les fesses me fait faire un écart. Leyla me tance à nouveau et tire sur ma laisse d’un coup sec « vas-tu te tenir tranquille toutou mal élevé, tu nous fais remarquer » me dit-elle en français.

Je tourne la tête et remarque derrière moi la rouquine dresseuse du chien indélicat et la cane qui danse dans ses mains. Soudain je me fige réalisant la nudité des autres mâles qui m’entourent et leur proximité dangereuse. Tiré en avant d’un coup sur la laisse, j’obtempère. Des tintements de clochette et des sons de cors parviennent à présent à mes oreilles à travers le brouhaha et ponctuent à intervalles irréguliers notre progression.

A présent, je distingue à travers la foule une lueur indiquant que nous approchons de notre but : le centre de la pièce et son attraction principale. Murmures et bruissements d’étoffe s’amplifient. Des commentaires assourdis parviennent en désordre à mes oreilles dont je perçois sans bien les identifier, la diversité des langues.

Perdu, isolé dans cette immensité, je sens mon cœur battre la chamade alors que nous parvenons en tête de file. Devant, le taureau et sa dresseuse avancent et celle-ci confie la laisse à une gardienne du lieu qui l’entraîne élégamment vers une estrade au fond de la pièce.

Je peux tout à loisir l’observer évoluer. Fardée, un diadème argenté sur la tête elle porte une tunique très courte, plissée, nouée à la grecque, laissant apparaitre sa poitrine sur le devant et la naissance de ses fesses, ainsi que des sandalettes à lanières brillantes et argentées à hauts talons effilés. Une longue canne symbole de son autorité complète son équipement. A présent, je peux même en distinguer plusieurs réparties autour de la salle.

J’observe la scène incongrue qui se déroule devant mes yeux. Le taureau est présenté devant l’estrade et son trône doré, sans que je puisse voir ou entendre distinctement ce qui s’y passe ou ce qui se dit, perdu que je suis entre ombres et lumières. Le cor retenti alors que le malheureux, visiblement contrit et réticent est entraîné par trois gardes vers la porte de gauche.

Au moment où nous avançons, je me retrouve et distingue enfin juchée sur son trône, une silhouette Féminine et vaguement familière portant une tiare dorée, une toge blanche nouée sur le devant et une cape rouge bordée d’hermine. Des serpents métalliques sont enroulés sur ses seins et posent leur tête sur ses tétons, la fixant du regard. Elle porte des sandales dorées faites de la même manière que les gardes.

La gardienne revient à présent vers nous de ses pas légers et de sa démarche chaloupée et gracieuse. Leyla a juste le temps de me gratter la tête et de me glisser dans le creux de l’oreille « c’est Déesse, rend nous fières ta Maîtresse et moi. » et se redressant lui tend la laisse.

Tiré en avant, je suis celle  qui je suis confié, le cœur battant, rougissant, observant pour la première fois avec surprise, les robes rendues transparentes par ce contre-jour et les courbes auparavant dissimulées qui se dévoilent sous mes yeux.

Troublé, je parviens aux pieds de celle qui est le centre de toutes les attentions. Ses boucles blondes cascadent sur ses épaules, alors les reflets de son loup doré m’empêchent de distinguer ses traits. Je n’en ai d’ailleurs pas le loisir car la gardienne me fait mettre à genoux et baisser le regard.

« Le jour de mon jugement est venu ». Frissonnant et suant à grandes eaux, j’attends impavide la décision. Une voix Féminine parvient à mes oreilles « qui est celle que tu sers ? » surpris, je manque un battement de cœur et bredouillant confusément un « Véronika… Je sers Véronika Forget… »

La Reine du lieu se tourne alors lentement vers sa droite d’un air de dédain, prête à lever
son sceptre quand enfin, je me reprends et parviens à articuler « je sers Véronika Forget Déesse… » Ajoutant même plus fort en me maclant la gorge « Et je lui appartiens Déesse. »

L’auguste personnage se retourne avec grâce, surprise et amusée vers moi et tendant son pied, m’offre de le baiser. Je m’exécute sans discuter, alors que retenti la clochette annonciatrice de succès.

La gardienne s’anime enfin et m’entraine à sa suite vers les portes de la félicité, sous les clameurs et les discussions animées de l’assemblée à laquelle rien n’a échappé. J’observe « Déesse » lever son sceptre et les gardiennes tambouriner au sol de leur bâton pour ramener le calme dans cette cours des miracles.

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